Hommage à Samy Guilbert, Photo 1954
Publié le 12/07/2023
La nouvelle inéluctable est arrivée. Samy nous a quittés dans sa 95e année. Pour nos étudiants et anciens de l’ENS Louis-Lumière de ces quelques dernières décennies, de qui peut-il bien s’agir ?
Ce nom désignerait-il un garçon ?
Non, il s’agit d’un surnom. C’est ainsi que Marie-Thérèse Guilbert, née en 1924 à Paris, était appelée par ses trois sœurs. Ça lui restera toute sa vie.
Fille d’un chef des travaux à l’Académie des sciences, son intérêt pour la technique de la photographie la conduisit vers la déjà fameuse école qu’on appelait à l’époque uniquement « Vaugirard » en section Photo de 1954.
De mon côté, Photo 1961, il m’aura fallu bien des années pour m’intéresser à l’association des anciens élèves. Aussi je n’ai connu Samy que dans les années 1980 lorsque je me suis intéressé au devenir de cette école grâce à laquelle j’ai pu m’épanouir dans ce métier. L’École avait déjà quitté le 85 de la rue de Vaugirard pour cause de locaux devenus insalubres et être transférée dans d’autres bâtiments guère plus neufs, répartis du côté de la Contrescarpe. Samy était depuis plusieurs mandats à la tête du bureau de l’AEVLL (pour Anciens Élèves de Vaugirard Louis-Lumière). Célibataire, photographe indépendante dans l’industrie et la publicité, elle avait à ce moment-là un beau studio de prise de vue boulevard Davout. Les réunions du bureau se tenaient là, au milieu de ses travaux en cours sur plusieurs petits plateaux de prises de vue, entre les glaceuses. Je me souviens surtout de collections d’épis de maïs d’un de ces clients, important grainetier d’Aquitaine.
Elle était entourée d’amis fidèles qui se dévouaient pour l’aider à enrichir la rédaction des bulletins, leur édition et les routages qui se faisaient chez les uns ou les autres avant l’envoi par la poste en calculant la quantité permettant de bénéficier des tarifs « envois en nombre ». Sans parler des d’AG…, la routine, quoi !. Elle tenait beaucoup aux liens avec l’École et essayait d’intéresser les élèves par des réunions en début ou fin d’année. Son crédo : « Que l’association dure… ».
Surtout elle sut mener à bien la réédition de l’annuaire des anciens. Un document remarquable, très important valorisant nos métiers et l’École bien sûr. Grâce aux liens qu’elle avait dans nos professions et aux expositions professionnelles où l’AEVLL essayait d’avoir toujours un stand, la chasse aux sponsors permit l’édition au coût non négligeable de ce document fondamental.
Afin de passer la main, elle me proposa de me porter candidat à la présidence après avoir été vice-président Photo. Je pus le faire durant deux mandats à une période de troubles importants au sein de l’École (grèves, réunions agitées, etc.). Un nouveau directeur venait d’être nommé. Sa mission : réussir le transfert de l’École dans un nouveau bâtiment conçu pour les trois métiers enseignés mais loin à l’Est, à côté de la cité Descartes de Noisy-le-Grand.
En retraite Samy passera les étés dans le Jura à Chevrotaine, qui connaît ? Ce n’est pas loin de la Suisse. Elle y aménagea une demeure pleine de charme aux murs épais, les hivers y sont si rudes. Pendant la guerre ses parents s’étaient repliés dans cette région. Samy me raconta des événements qui auraient pu finir dramatiquement suite à l’hébergement de migrants fuyant le nazisme. Avec mon épouse nous lui avons rendu visite par un bel été en 2008 où elle m’a confié des cartons d’archives parmi lesquelles Gilles Flourens vous en a exposé des éléments historiques lors de notre AG du 14 juin dernier. C’est lors de cette visite que je me suis permis de reproduire le cadre avec ce beau portrait de Samy dans sa jeunesse.
Cette femme était pour nous très attachante, sa culture et sa rigueur se mêlant parfaitement. Malgré les fatigues de l’âge, on l’accompagna pour assister encore à quelques AG de l’association devenue ALL (Anciens de Louis-Lumière), Vaugirard est si loin maintenant.
La dernière à laquelle elle participa avec entrain fut celle où un certain Fréderic Castelnau s’annonçait pour prendre la direction du bureau de l’ALL. Au sortir de la réunion, se félicitant de sentir que l’association allait pouvoir vivre encore et encore, elle nous glissa : « Ce jeune homme malin (sic) saura gérer adroitement l’association ».
Résidant à Bourg-la-Reine, sa santé se dégradant, elle passera un long séjour en clinique à L’Haÿ-les-Roses où je la visitais souvent. J’ai eu, durant cette période, de bons échanges téléphoniques avec son neveu résidant vers Dijon, neveu qu’elle estimait. Elle ne retournera pas chez elle. Elle sera admise à passer ses dernières années dans un bon établissement à côté de Chalon-sur-Saône. Elle s’y sentait bien, jusqu’à son dernier soupir...
Jean Francillon, Photo 1961