Inès Léraud, Ciné 2006, publie, avec Pierre Van Hove, "Champs de bataille. L'histoire enfouie du remembrement"
Publié le 21/12/2024Autrice d'Algues vertes. L'histoire interdite, paru en 2019 et adapté au cinéma en 2023, Inès Léraud (Cinéma 2006) s'en prend de nouveau à l'agriculure intensive avec Champs de bataille. L'histoire enfouie du remembrement, ouvrage, comme le précédent, dessiné par Pierre Van Hove.
Le "remembrement". Cette politique décisive pour le déploiement de l'agriculture intensive a été peu documentée. Aucun livre d'histoire ou de sociologie n'a été consacré aux perdants de cette politique ni aux résistants à ce bouleversement.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l'État fait redessiner les terres agricoles dans la plupart des campagnes françaises. Accessibilité des champs par des machines, regroupement des parcelles et disparition des haies et talus. C'est le "remembrement". L'objectif est que la paysannerie produise davantage, que le pays atteigne son auto-suffisance alimentaire et que la France devienne une puissance agricole mondiale.
Inès Léraud a accordé un entretien à Frédéric Potet, paru dans le supplément du Monde "Le Monde des livres", daté du vendredi 20 décembre 2024.
Pourqoui vous êtes-vous intéressée à cette histoire, dont l'origine remùonte à près de qiuatre-vingts ans ?
Parce qu'elle n'a jamais été racontée. Il n'existe pas de livres spécifiques sur les oppositions au remembrement. Les sciences sociales ne se sont que trop rarament penchées sur le sujet. J'ai grandi en milieu rural dans le Maine-et-Loire, mais c'est en m'installant en Bretagne, en 2015, que j'ai compris l'importance du remebrement dans l'histoire des campagnes. Son souvenir est encore très vif. Ma rencotre avec deux chercheurs menant des travaux sur le sujet, Léandre Mandard, doctorant au Centre d'histoire de Sciences-Po, et Alexandra Georges-Picot, formée en histoire contempôraine à Oxford, m'a convaincue d'aller plus loin
Pourquoi ce sujet a-t-il été si peu documenté ?
Peut-être parce que les principaux perdants du remembrement étaient des "petits" agriculteurs. La ferme était souvent tenue par leurs femmes alors qu'eux étaient artisants ou commerçants. Après le remembrement, celles et ceux qui avaient des fermes de subsistance ont dû abandonner pour occuper des emplois à temps plein ou devenir femmes au foyer, échappant ainsi à une recherche sociologique ayant besoin de catégories professionnelles bien déterminées. Une forme de mutisme s'est développée par ailleurs. Les gens avaient l'impression d'avoir vécu une guerre. Et, comme après toute guerre, on ne transmettait pas ce qu'on avait vécu. [...]